À travers cette amorce d’inventaire photographique, Timothée Buisson et Antoine Mounier ont réalisé une série de portraits, qui pose un regard sur la diversité des pratiques et des cyclistes qui parcourent la métropole. Par souci de cohérence, l’ensemble de ce travail a été mené à vélo. Pendant plusieurs semaines, pieds de flash et enregistreur audio se sont côtoyés à l’avant du vélo-cargo.  
Ces cyclistes, photographié·es dans le cadre de leur pratique, racontent les raisons qui les poussent chaque jour à pédaler. Au-delà des déplacements du quotidien, le vélo permet aussi un engagement associatif. C’est donc au sein de leurs associations que Timothée et Antoine sont allés photographier ces personnes.
Les associations engagées sur ce projet d’inventaire — Vélo-Cité, Cycles & Manivelles, Etu’Recup, Léon à Vélo, Le Garage Moderne et Recup’r — accompagnent les cyclistes dans leur pratique quotidienne sur la Métropole au travers de plusieurs projets. 
Ces associations accueillent pour la plupart des ateliers d’autoréparation pour entretenir sa monture soi-même. À la fois source de fierté, d’apprentissage et d’autonomie, ces ateliers sont aussi des moments qui permettent la rencontre et la transmission. Dans ces ateliers, on réemploie les pièces détachées de vélos collectés pour prolonger la durée de vie des vélos mis au rebut et ceux des adhérent·e·s. 
La « vélo-école », quant à elle, permet d’apprendre ou de ré-apprendre à des adultes à se déplacer à vélo ; c’est aussi le programme « Savoir Rouler À Vélo », qui donne les premières clefs aux enfants pour se déplacer. 
Cette exposition prend la forme d’un manifeste, et porte la parole de toutes ces personnes qui sillonnent la ville à vélo. Ces témoignages révèlent l’histoire qui les a menés à devenir cyclistes et ont vocation à être l’étincelle qui allumera la flamme de celles et ceux qui n’ont pas encore franchi le pas, mais savent désormais à qui s’adresser. 
Photos : Timothée Buisson
Textes : Antoine Mounier
Manon - Étudiante à vélo
À son arrivée sur Bordeaux pour poursuivre ses études, Manon a dû trouver une alternative pourremplacer l’aide de sa mère, jusqu’alors cheffe mécano attitrée à l’entretien de son vélo. L’association Etu’Récup a pris le relais. Elle y passe régulièrement, comme elle passerait au stand entre deux tours de circuit. C’est ce qui lui permet de maintenir sa course effrénée qui se déploie de Pessac pour la natation synchronisée, à Bordeaux pour l’université, jusqu’à l’hôpital Pellegrin pour certains cours. Manon qui se décrit comme « une personne plutôt de type en retard », compte sur son vélo au quotidien pour arriver dans les temps, et pour profiter de cette liberté qu’elle chérit tant dans ce mode de déplacement. 
Rachid -Mécanicien à Léon à Vélo
Chez Léon à Vélo, Rachid y est arrivé à pied. C’est sa façon de nous dire qu’avant son premier vélo, le bus et la marche constituaient ses deux seules alternatives de mobilité. Depuis qu’il a découvert l’association en 2021, le vélo a rejoint sa liste de choix. C’est aussi depuis ce moment qu’il passe plusieurs jours par semaine à accompagner la réparation des vélos qui défilent sur les pieds d’atelier. Pour Rachid, offrir la possibilité aux personnes qui passent de repartir en vélo, c’est une manière de leur donner la capacité d’éviter la voiture.
Vincent - Adhérent à l’atelier vélo du Garage Moderne
Par rebonds successifs, Vincent s’est retrouvé à adhérer à l’atelier vélo du Garage Moderne. Après quelques années passées à Bruxelles, il revient sur Bordeaux et trouve au Garage Moderne l’ambiance qu’il appréciait à la Serre à Ixelles, un lieu en occupation temporaire porté par l’association Communa.
Des suites d’une rupture douloureuse avec les transports en commun, Vincent trouve refuge dans le vélo. Il se rend vite compte de la liberté de mouvement que lui offre ce mode de déplacement, lui qui partage ses journées entre l’aide alimentaire le jour, et le service au bar la nuit. Au Garage Moderne, il apprécie pouvoir lier l’aide alimentaire, milieu dans lequel il travaille, l’entretien de son vélo, et une programmation culturelle de qualité.
Au moment où nous nous rencontrons, Vincent est à l’atelier pour remplacer le cadre de son vélo, plié au cours d’un accident. C’est à contrecœur qu’il salue son fidèle destrier qui l’accompagne depuis ses années bruxelloises.
Jacques - Mécanicien bénévole à Etu’Récup
Enfant, Jacques bricolait les vélos avec ses copains et les moyens du bord. Il n’avait pas accès aux pièces de rechange dont il dispose aujourd’hui à Etu’Récup. Et bien souvent, c’est deux vélos défaillants qui permettaient d’en reconstituer un complet. Au cours de ses années passées dans l’agriculture et la viticulture, Jacques a ménagé au creux de la mécanique et de l’entretien des machines ce qu’il nomme « sa zone de confort ». Grâce au vélo, il a trouvé un terrain propice pour partager ses connaissances, parce que « tout est accessible, tout est visible, c’est facile à expliquer. »
Corinne & Jean - Encadrant·es vélo-école avec Cycles & Manivelles et Vélo-Cité
Corinne & Jean sont l’une comme l’autre encadrant·es vélo-école avec l’association Cycles et Manivelles et Vélo-Cité. Elles/Ils ne s’adressent ni aux usager·ères du vélo, « celles et ceux acquis à la cause », ni aux détracteur·rices de ce mode de déplacement doux qui n’y voient qu’un amas d’incivilités et de délits. Mais à la troisième voie, aux cyclistes en devenir et à venir. La vélo-école leur permet de transmettre avec bienveillance les clés d’une pratique affirmée du vélo.
Nino - Cycliste en puissance 
Beaucoup de personnes font du vélo depuis qu’ils sont enfants. Nino est un enfant, et il fait du vélo. Considérant la hauteur de ses sept ans, et une demi-année, qui font presque huit, il roule depuis plus de cinq ans sur deux roues. C’est lui qui nous guide à travers cette virée arithmétique plutôt bienvenue pour comprendre son attachement à ce mode de déplacement qui l’emmène à l’école, et qui lui donne de la force pour le rugby. Son ambition de pousser la mêlée d’ici quelques années s’accommode très bien de sa passion pour le vélo. 
Pour parfaire sa maitrise, Nino aura la chance de participer au « Savoir Rouler à Vélo » [SRAV], un programme national animé par l’association Cycles & Manivelles dans son école. 
Son premier souvenir sur deux roues n’est d’ailleurs pas une chute, mais la promesse de pédaler pour très longtemps. Alors qu’il apprivoisait la vie sans les petites roues, son papa l’a lâché plus vite que prévu. Et sans vaciller, c’est seul qu’il a fini sa course. 
Keita - Adhérent de l’association Récup’R
Keita est arrivé à Récup’R en 2019. Son passé de tailleur l’a amené à rencontrer cette association qui mêle un atelier de mécanique vélo, et un autre de couture. Rien ne sépare ces deux espaces qui communiquent pour le plus grand bonheur de Keita qui ne refuse jamais d’échanger quelques conseils pour raccommoder un habit contre une aide pour réparer son vélo. 
Depuis plusieurs années maintenant, Keita partage ses savoir-faire tant pour accompagner les amateur·trices de belles étoffes, que pour veiller sur le parc des machines à coudre.
Céleste - Joueuse à Bordeaux Bike Polo
Entre l’époque du lycée où Céleste allait en vélo pour remédier à la lenteur du bus, jusqu’aux tournois de Bike Polo à travers l’Europe, se développe une logique implacable qui permet d’expliquer sans angle mort sa pratique actuelle. D’abord lycéenne, puis voyageuse à vélo, c’est l’allongement des distances parcourues et la multiplication des avaries qui la poussent à rejoindre l’atelier vélo du Chat Perché à Lyon. Au cours d’une initiation au Bike Polo organisée par le Chat Perché, Céleste découvre un sport collectif mixte aussi intriguant que ludique, qui refuse de se fédérer, mais qui peut compter sur la solidarité de sa communauté internationale.
Une fois par semaine Céleste se joint au collectif cyclo-féministe des Bicyclettes Sauvages dans les locaux de Récup’R pour un atelier de réparation en mixité choisie. Au-delà de la mécanique, ce collectif défend une définition inclusive du vélo, sans distinction de taille de pneu, de cuissard, ou de vitesse moyenne. « Si tu prends ton vélo, tu es un·e cycliste ».
Virginie & Alban - Salarié·es de l’association Slowfest
Le Slowfest occupe une place singulière dans le paysage culturel de la Métropole de Bordeaux. Partie d’une série d’expérimentations menée au sein du label Milk Music à partir de 2015, l’association s’est structurée dès 2019 pour prolonger ce laboratoire des pratiques artistiques décarbonées. 
Alban et Virginie, tout·es deux salarié·es, alimentent l’activité plurielle du Slowfest qui ne se limite pas aux concerts et festivals proposés par l’association. L’ensemble de l’équipe et des bénévoles organisent des ateliers de médiation pour accompagner les professionnels à réduire l’empreinte carbone de leurs évènements. Leur action vise aussi à sensibiliser les publics à travers l’encadrement de déambulations cyclables qui accompagnent les spectateurs jusqu’aux salles de concert. Le vélo prend toute sa place au cours de ces transhumances joyeuses, où la fête commence avant même l’ouverture des portes. 

Nolwenn & Wilfrid - Mécanicien·nes à Vélo-Cité
Nolwenn & Wilfrid, tous deux salariés de l’association Vélo-Cité, co-encadrent des ateliers de mécanique vélo itinérant. Ils se saisissent de ce dispositif mobile (deux vélos cargos et une remorque) pour s’installer sur la rive droite au gré des semaines, entre Floirac, Bassens, Lormont et Cenon. L’objectif est de toucher un public au-delà des limites de la commune de Bordeaux, et de rendre l’entretien d’un vélo accessible à tous·tes. Avec eux, la mécanique devient un territoire commun accueillant, et précieux pour tisser des liens.
En parallèle de Vélo-Cité, Nolwenn anime bénévolement un atelier vélo en mixité choisie à Léon à Vélo, la maison du vélo de Mérignac, pour offrir à toutes un espace inclusif de pratique et d’apprentissage de la mécanique.
Cassiopée - Membre de l’After Work Cycling Club
Ancienne adepte d’athlétisme, dans la discipline du 400 m, c’est une blessure qui a amené Cassiopée à se tourner vers une pratique assidue du vélo de route. Elle a approché ce sport d’abord par petite touche, puis au sein de l’Afterwork Cycling Club [ACC], avec qui elle sort maintenant trois fois par semaine, en groupe mixte et non-mixte. Parti de rassemblements spontanés et informels de cyclistes, l’ACC a rapidement pris de l’ampleur avant de se structurer autour d’une association.
Dans ce groupe à géométrie et allure variables, Cassiopée trouve toujours du monde pour rouler entouré. Elle qui apprécie peu les sorties en solitaire puise dans ce collectif la motivation nécessaire pour préparer et remporter ses courses dominicales.
Clara - Mécanicienne à Léon à Vélo
Depuis plus de trois ans, Clara partage son quotidien entre deux vélos. Elle se déplace d'un côté à l'aide d'une bicyclette anonyme, rouillée et discrète qu’elle n’hésite pas à sortir pour toutes les occasions. De l'autre, elle dévore les kilomètres au guidon d'une petite reine bien plus contemporaine. Avec Léon à Vélo, elle divise son temps entre le remontage des vélos vendus par l’association au cours des bourses aux vélos, et l’encadrement des ateliers de remise en selle. C’est cette double casquette qui lui permet de promouvoir l’utilisation du vélo.
Emma - Ex-stagiaire de la vélo-école de Cycles & Manivelles
Tout est parti d’une prise de conscience, à mi-chemin entre l’écologie et l’économie, celle qu’une personne en vélo, c’est une voiture de moins. Pour Emma c’est cette réflexion qui l'a amenée à vendre son véhicule, avant d’entamer sa métamorphose de conductrice à passagère des transports en commun. La vélo-école proposée par l’association Cycles et Manivelles a été l’occasion pour elle d’aller au bout de cette transformation.
À peine la vélo-école terminée, Emma a acheté son premier vélo. Elle fait maintenant partie de ces cyclistes du quotidien, de celles et ceux qui roulent sans crainte. Ceux-là mêmes qu'Emma plaignait derrière son volant il y a encore quelques mois quand elle les voyait affronter la pluie.
Alpha - Adhérent de l’association Récup’R
Comme beaucoup d’histoires de vélo, celle d’Alpha commence par une crevaison. Démuni face à son pneu à plat, c’est un ami qui l’a amené pour la première fois à Récup’R. Il découvre rapidement le triple bienfait du lieu. S’économiser le remplacement de sa chambre à air, apprendre à réparer son vélo, et accéder sans limites aux outils de l’atelier. Depuis il vient souvent ici, pour pallier les pépins techniques qui peuplent son quotidien de cycliste, et parfaire sa maîtrise de la mécanique vélo. 
Amandine - Cuisinière à vélo
400g de Bonheur, c’est une cantine mobile qui propose des plats livrés directement dans l’assiette pour assouvir les appétits du quotidien. Amandine nourrit cette initiative depuis plus de 8 ans, sans jamais se détourner de sa problématique de départ : comment proposer une cuisine accessible, à partir de produits sains, sans faire l’économie d’une logistique écologique ? 
Depuis les premières livraisons sur son vélo de ville chargé de lourdes sacoches remplies de bocaux, le projet a connu bien des évolutions, sans perdre de vue les engagements à l’origine des premiers coups de pédales. Amandine livre aujourd’hui en vélo-cargo, sur Bordeaux, Bègles, parfois Talence. D’autres transformations sont à venir, pour agrandir l’équipe, et passer à une forme associative ou coopérative. 
Amandine revêt l’humilité de celles et ceux qui n’ont jamais baissé les bras pour faire mûrir un rêve.
Si elle doute encore de son savoir-faire en cuisine, beaucoup seraient prêt·es à la contredire pour une part supplémentaire de lasagne ou de makis.
William & Virginie - Bénévoles dans la commission aménagements de l’association Vélo-Cité
À l’image des récits mythologiques, personne n’est en mesure de remonter le fil de l’histoire qui permettrait d’expliquer le lien entre la métropole de Bordeaux, et la commission aménagements de l’association Vélo-Cité. Virginie & William font partie des membres de cette commission qui chaque mois pose un regard d’usager·ère sur les projets d’aménagements cyclables. Invariablement, les communes de la métropole transmettent à l'association les projets en cours pour consultation. 
Conscients que « le changement est une accumulation de petits poids », ils diluent à travers les avis rendus leur expérience vécue de l’espace urbain afin qu’elle bénéficie au perfectionnement des infrastructures destinées aux cycles. 
Mélanie - Cheffe d’atelier vélo au Garage Moderne 
Le parcours de Mélanie à l’atelier vélo du Garage Moderne s’est construit au fil de l’eau. Arrivée il y a plus de 14 ans comme salariée en insertion pour prendre soin des vélos de la ville de Bordeaux, elle est aujourd’hui référente de l’atelier vélo. Elle coordonne au quotidien la cohabitation entre les salariés, les bénévoles et les adhérents qui font vivre l’atelier. 
Très investie comme mécanicienne cycle, elle continue d’œuvrer pour faire évoluer les mentalités. L’art de la mécanique vélo, avec tous les défis qu’il représente, ne peut plus selon elle, être éternellement considéré comme du bricolage. Il doit rester une ressource pour encourager le développement des mobilités douces, et un soutien pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles. 
Garance - Voyageuse à vélo
Le voyage à vélo, Garance s’y est mise par amour, et « parce qu’il fallait bien suivre ». Pour sa première expérience cyclo-touristique, sa compagne l’embarque une semaine à travers la Drôme et l’Ardèche. Ensemble, elles gravissent un col puis reviennent à Bordeaux poser pied à terre. Depuis cette découverte, Garance multiplie les voyages, seule ou en collectif. Elle y trouve invariablement l’état d’esprit qu’elle avait tant aimé sous la chaleur écrasante de l’Ardèche : « Je suis bien, je suis là, je profite et je prends ce qu’il y a. Je ne vais pas chercher à faire toujours mieux, je prends ce qui est devant moi. De toute façon je n’ai pas trop le choix. »
Le vélo agit comme un changement de décor. Une fois en selle, les vacances commencent. Après la France, l’Espagne, le projet de rejoindre la Grèce à vélo et de traverser les balkans ne sera bientôt plus un rêve, mais bien une réalité. 

 

SE BALADER

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